10 eurodéputés demandent à la présidente de la Commission européenne des mesures de gestion de marché

Bruxelles, le 16 avril 2020

Madame la Présidente,

La chaîne de production agricole et alimentaire a répondu immédiatement présente pour faire face à la crise que le monde et l’Europe traversent. En assurant, malgré des déséquilibres très forts et très soudains des débouchés, l’approvisionnement de tous les consommateurs, ce secteur s’honore et assume ses responsabilités fondamentales. La reconnaissance politique et citoyenne de cet effort et de cette réussite, déjà largement exprimée, doit aller jusqu’au bout. Elle doit absolument se traduire par un soutien, y compris financier, à un secteur qui conserve beaucoup de fragilités.

La réponse européenne a commencé. Elle doit aller plus loin pour aider les acteurs des chaines d’approvisionnement de tous les produits à faire face et tenir dans la durée, forcément incertaine, de cette crise et de ses suites. Les réponses à apporter sont de trois ordres.

L’assouplissement réglementaire en matière de mise en œuvre des politiques existantes doit se poursuivre. Aux souplesses significatives déjà temporairement consenties sur la mise en œuvre de la PAC, doivent s’ajouter d’autres souplesses sur le suivi des programmes opérationnels en fruits et légumes ou les programmes nationaux viticoles notamment, en réponse aux demandes formulées par les acteurs concernés. Mais cet assouplissement ne doit pas concerner que les soutiens de la PAC. Il doit aussi s’appliquer en matière de droit de la concurrence, pour permettre aux producteurs organisés, aux interprofessions, aux acteurs économiques de se concerter pour gérer efficacement l’offre et la réorientation des produits. En particulier, toutes les démarches, portées par les acteurs économiques, qui visent à orienter la production vers de nouveaux débouchés ou à la réduire de façon ciblée doivent être facilitées. C’est le premier et le meilleur moyen pour éviter que des surplus pèsent maintenant ou dans les mois à venir sur les marchés et donc, in fine, comme toujours, sur les agriculteurs.

Au-delà, il est essentiel que des moyens soient fléchés pour assurer collectivement la stabilité des marchés les plus impactés. Le stockage privé, comme la distillation de crise, sont des leviers déjà mis en avant par de nombreux acteurs mais ils ne sont pas les seuls disponibles. Il est en tout cas fondamental que les arbitrages budgétaires qui sont en train d’être pris, au niveau européen, pour faire face à toutes les urgences liées à cette crise n’oublient pas l’agriculture et l’agro-alimentaire au prétexte que ce secteur continue à tourner plus que d’autres. Il tourne par nécessité, mais il est fragile et pourrait s’effondrer. Cela nécessite des moyens qui doivent, pour commencer, être recherchés dans les marges sous plafond non consommées du budget agricole européen.

Enfin, en responsabilité, l’Union européenne doit porter une attention particulière en cette période de crise à sa souveraineté alimentaire et aux effets délétères d’importations non maitrisées et à bas prix de produits qui viennent concurrencer une offre européenne de qualité mais déjà en excédent du fait de la crise. Le commerce mondial agricole, plus que jamais, doit avoir pour but de garantir l’alimentation suffisante en quantité et en qualité de toutes les régions du monde, en aucun cas il ne doit encourager les comportements opportunistes. À ce titre, la Commission doit aujourd’hui faire preuve de décence en retirant pour l’instant de son agenda toute poursuite des négociations commerciales sensibles sur le plan agricole.

Madame la Présidente, une réponse européenne est non seulement nécessaire, mais elle est urgente. L’application des mesures de marché doit être immédiate pour être efficace. Il en va de la résilience de toute la chaîne de valeur et des exploitations agricoles. En déclenchant maintenant les outils de gestion de marchés pour les nombreuses filières concernées (produits laitiers, viandes, fruits et légumes, pommes de terre, vin, sucre, éthanol), sans oublier la solidarité avec des secteurs habituellement non couverts comme l’horticulture, l’Union européenne montrerait qu’elle reste le premier lieu pertinent de maîtrise des marchés agricoles.

Espérant que vous puissiez entendre la demande dont nous nous faisons l’écho, nous vous prions de croire de croire, Madame la Présidente, en l’expression de notre plus haute considération.

Jérémy DECERLE, Clara AGUILERA, Daniel BUDA, Isabel CARVALHAIS, Anne SANDER, Dan-Stefan MOTREANU, Atidzhe ALIEVA-VELI, Hilde VAUTMANS, Paolo DE CASTRO, Stéphane SEJOURNE,

 

Mme Ursula VON DER LEYEN Présidente de la Commission européenne Commission européenne

Rue de la Loi 1049 BRUXELLES

CC : M. Janusz Wojciechowski, Commissaire à l’Agriculture, M. Johannes Hahn, Commissaire au Budget et à l’Administration, M. Phil Hogan, Commissaire au Commerce, M. Thierry Breton, Commissaire au Marché intérieur

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