Accord sur la PAC du 20 octobre 2020 : ne pas confondre budget et politique souveraine !

Malgré tout ce que l’on peut lire et entendre, l’accord trouvé par les 27 ministres de l’agriculture et adopté par le Parlement européen ne traite en rien de l’avenir de l’agriculture européenne et de notre souveraineté alimentaire. Il s’agit d’une simple évolution de la répartition du budget agricole européen.

Pour qui n’est pas agriculteur, favoriser l’environnement dans l’agriculture est tout aussi louable que dans les transports ou dans le bâtiment. La comparaison s’arrête là car, dans l’agriculture, les aides peuvent représenter une grande partie du chiffre d’affaires et même plus que le revenu dans notre secteur des grandes cultures. Les aides de la PAC destinées à la France représentent 9 milliards d’euros, soit l’équivalent du revenu agricole national. La majorité des agriculteurs européens sont donc dépendants des aides pour pouvoir continuer leur activité. Certains ont la chance de pouvoir vivre du fruit de leur travail sans en recevoir comme par exemple les maraîchers en vente directe. Il ne faudrait surtout pas redistribuer des aides en faveur des productions qui fonctionnent avec une forte demande qui tire les prix au-dessus des coûts de production.

Dans les secteurs des céréales, des oléoprotéagineux et du sucre il y a également de la demande dans un marché solvable de près de 500 millions de consommateurs mais, à la différence de la salade, il existe des cours intercontinentaux résultant du dumping qui, faute de protection, s’imposent aux agriculteurs européens. Les aides de la PAC ont tout d’abord été appelées « aides compensatoires » pour que la suppression de la protection aux frontières mise en œuvre par les accords de l’OMC à Marrakech – induisant une baisse des prix agricoles au sein de l’UE – soit atténuée par le versement de primes aux agriculteurs.

Nous avons très vite vu que ces aides étaient loin de compenser pleinement la baisse du chiffre d’affaires et que paradoxalement, les cultures les plus aidées au départ comme le soja étaient celles qui allaient perdre leur rentabilité. Ces aides ne pourront jamais assurer pleinement le développement des cultures déficitaires dans l’UE. Encore une fois, cette nouvelle PAC proposera des aides aux cultures de protéines végétales. Ce ne sont pas 30 ou 50 € de primes par hectare qui permettront d’assurer notre indépendance protéique quand on sait que c’est 500 €/ha qu’il manque pour assurer une réelle rentabilité à ces cultures !

Les prix agricoles payés aux producteurs influent beaucoup plus sur le choix des cultures que les aides. Le budget de la PAC est inefficace en matière d’orientation de notre agriculture dans l’optique de l’amélioration de la sécurité alimentaire européenne. Si la PAC est incompétente, c’est tout simplement par ce qu’il ne s’agit pas d’une Politique Agricole Commune mais simplement d’un Budget Agricole Européen. Le sigle BAE devrait remplacer celui de PAC et les accords d’évolution devrait être appelés « négociations sur le mode de répartition du BAE ».

Alors, quelle politique régit réellement notre agriculture ? C’est la politique commerciale qui, en ouvrant ou en fermant des portes, envoie aux agriculteurs des signaux beaucoup plus efficaces que des aides budgétaires. Ce sont les importations de soja qui ont fait diviser par 10 les surfaces en luzerne en France et incité les éleveurs à abandonner la culture des légumineuses fourragères. Les importations de maïs d’Ukraine et du Brésil ont fortement fait baisser les surfaces de cette céréale d’été en Europe (-50 % en Italie et – 30 % en France), faisant de l’UE le premier importateur mondial de maïs alors que nous pourrions être autosuffisants dans un esprit de souveraineté alimentaire. Hélas, le commerce et le libre-échange priment toujours sur la sécurité sanitaire…

A quoi bon parler d’agriculture plus verte et plus vertueuse quand la Commission européenne signe tous les accords de libre-échange qu’on lui présente, infligeant ainsi à ses paysans une concurrence mortelle et à imposant à ses consommateurs des aliments qui ne répondent pas à nos normes de production ?

Christiane Lambert, de la FNSEA, a déclaré le 20 octobre sur France info : « La France a augmenté de 175 % ses importations de poulets polonais et ukrainiens parce qu’ils sont moins chers… Si les Français consomment moins cher, les agriculteurs français continueront à disparaître. C’est un choix de société. » Pourtant, nous n’avons jamais vu un consommateur commander des poulets en Ukraine sur Internet ? C’est via la RHF qu’il les consomme en toute ignorance de leur provenance. C’est quand même énorme que la présidente du syndicat agricole officiel rejette sur les consommateurs la responsabilité des importations ! Qui achète du poulet ou du maïs ukrainien ? Ce sont de grandes entreprises d’import-export dont bon nombre, sous forme de coopératives, font partie du COPA-COGECA, également présidé par Christiane Lambert. Non Madame Lambert, si les agriculteurs disparaissent, ce n’est pas un « choix de société » comme vous le dite mais le fruit du lobbying agroalimentaire que vous représentez qui refuse toute entrave au libre commerce et s’oppose évidemment à l’Exception Agriculturelle.

Nicolas Jaquet, secrétaire général de FGC