En froid avec la Chine, le Brésil garde confiance en ses ventes de soja

En froid avec la Chine, le Brésil garde confiance en ses ventes de soja
(PAPIER D’ANGLE)
Par Morgann JEZEQUEL

Rio de Janeiro, 2 mai 2020 (AFP) – Malgré l’épidémie de coronavirus, la
trêve dans la guerre commerciale entre Chine et États-Unis et les tensions
diplomatiques entre Brasilia et Pékin, le Brésil, premier exportateur mondial
de soja, reste confiant dans le maintien de ses ventes vers la Chine, son
principal client.
Le 4 avril, le quotidien pékinois Xin Jing Bao avait alerté l’agrobusiness
brésilien en faisant part « d’inquiétudes » des autorités chinoises concernant
la possibilité que les importations de soja brésilien ne « viennent à être
affectées » par la propagation du Covid-19 en Amérique du sud.
Un commentaire interprété par des médias brésiliens comme une menace à
peine voilée de représailles face aux provocations de proches du président
Jair Bolsonaro contre la Chine.
Mi-mars, le député Eduardo Bolsonaro, fils du président d’extrême droite,
avait accusé sur Twitter « la dictature » chinoise d’avoir dissimulé des
informations sur le Covid-19. Le ministre de l’Éducation Abraham Weintraub
avait ensuite insinué dans un tweet que la pandémie faisait partie d’un plan
du géant asiatique pour « dominer le monde ».
Les exportations brésiliennes de soja vers la Chine, en baisse en janvier
et février par rapport à la même période l’an dernier, sont pourtant reparties
à la hausse en mars, atteignant un niveau record de 13,3 millions de tonnes
sur l’ensemble du trimestre (+9% sur une année), selon les données du
ministère de l’Industrie, du Commerce extérieur et des Services (MDIC).
« Nous avons connu des problèmes d’écoulement au début de l’épidémie car les
camionneurs chargés d’affréter le soja jusqu’aux ports avaient des difficultés
à trouver des services ouverts sur la route, et parce qu’il fallait établir
des protocoles de sécurité sur les ports », a expliqué à l’AFP Sérgio Mendes,
directeur général de l’Association nationale des exportateurs de céréales
(Anec).
En outre, « les fortes pluies en février ont aussi ralenti l’embarquement de
marchandises. Mais tout est revenu à la normale », a-t-il assuré.

– Soja compétitif –

Pour l’ensemble de l’année, « nous nous attendons à une légère baisse ou à
un niveau similaire de la demande chinoise de soja brésilien », par rapport à
2019, quand 58 millions de tonnes de l’oléagineux brésilien avaient été
envoyées à la Chine, prévoit Luiz Fernando Gutierrez, analyste chez Safras e
Mercado.
Ce niveau serait ainsi inférieur à celui de 2018 (lorsqu’il a atteint un
record de 68,6 millions de tonnes), mais toujours supérieur à ceux enregistrés
avant la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis.
Le pays le plus peuplé de la planète a en effet réduit l’an dernier sa
demande, en raison de la peste porcine qui a décimé ses élevages. Premier
importateur mondial de soja, la Chine en destine près de la moitié à sa
production de porcs, selon un rapport de l’Organisation des Nations Unis pour
l’alimentation et l’agriculture (FAO).
La filière brésilienne se dit confiante dans sa capacité à résister, malgré
l’engagement chinois d’acheter 32 milliards de dollars de produits agricoles
américains supplémentaires sur deux ans, dans le cadre de l’accord signé en
janvier entre les deux pays.
« Le soja brésilien est plus compétitif et le géant asiatique est
pragmatique, il devrait donc juste acheter la quantité suffisante aux
États-Unis pour honorer l’accord », précise M. Gutierrez.
Cette compétitivité s’explique par l’effondrement du real par rapport au
dollar, qui est passé de 3,95 reais il y a un an à 5,40 reais, soit une baisse
de plus de 36%.
« Nos exportations sont consolidées, tout comme notre modèle de production
et notre système logistique, affirme Bartolomeu Braz Pereira, président de
l’Association brésilienne des producteurs de soja (Aprosoja). D’ailleurs, 35%
de la prochaine récolte a déjà été négocié, en particulier avec la Chine ».
En baisse cette année, la production américaine de soja devrait être
dépassée par le Brésil, qui attend une production record de 122,1 millions de
tonnes.
L’oléagineux est le principal produit exporté par le Brésil, et l’ensemble
du complexe du soja représente 14% des exportations totales.

Source : AFP