07 Fév 2019 SÉPARATION CONSEIL-VENTE : VOLTE-FACE DU GOUVERNEMENT !
Un nouveau projet d’ordonnance sur la séparation du conseil et de la vente est en consultation publique jusqu’au 24 février.
Des changements assez conséquents sont intervenus depuis le précédent projet présenté le 6 décembre 2018. L’entrée en vigueur est repoussée d’un an, au 1er janvier 2021 (au lieu du 1er janvier 2020).
Un conseil stratégique qui ne conditionne plus l’achat de produits
Les deux conseils, stratégique et spécifique (ou de préconisation), seront bien séparés de la vente.
En revanche, le conseil stratégique obligatoire dispensé annuellement à l’agriculteur laisse la place à la délivrance de 2 conseils obligatoires par périodes de 5 ans, espacés au minimum de 2 ans.
De plus, ce conseil stratégique bi-quinquennal ne serait plus obligatoire pour l’achat de produits phytos mais seulement demandé lors de l’obtention ou du renouvellement du certiphyto. Reste que l’agriculteur doit obligatoirement être titulaire du certiphyto s’il souhaite acheter des produits (arrêté du 6 janvier 2016).
Le conseil spécifique se retrouve quant à lui en zone grise, à la fois séparé de la vente mais non obligatoire pour l’agriculteur.
Aggravation des distorsions de concurrence entre coopératives et négoces
En principe, l’administrateur d’une société de conseil ne peut pas être aussi administrateur d’une société de vente ou d’application et vice-versa.
Une exception assez notable va profiter aux chambres d’agriculture, dont les membres pourront également être administrateurs de sociétés de vente ou d’application de produits. Un administrateur de coopérative pourra donc continuer à avoir les 2 casquettes : vente côté coopérative, et conseil côté chambre.
L’exception ne joue pas pour les présidents de chambre et membres du bureau, sauf pour la prochaine mandature 2019-2024. On voit que certains ont cherché à sauver leur peau !
Après l’interdiction des 3R (remises, rabais, ristournes) par la loi EGAlim et la possibilité laissée aux coopératives de faire des remises de fin de campagne, c’est une nouvelle distorsion de concurrence posée à l’encontre du négoce privé, non représenté au sein des chambres d’agriculture.
Mais il y a plus grave : le projet d’ordonnance permet à 10 associés (ou davantage) d’une coopérative vendeuse de produits d’être également associés d’une structure de conseil. La seule limite posée face à un tel montage est, pour l’actionnaire commun associé dans chacune des deux structures, de ne pas dépasser 10% des parts du capital.
Le négoce n’aura absolument pas les mêmes possibilités. Du fait de la limitation de part cumulée du capital à 32%, si plusieurs négoces vendeurs de produits veulent monter une structure de conseil, ils devront trouver d’autres associés à hauteur de 68% des capitaux restants, ce qui leur rend la tâche pour le moins ardue.
L’intérêt général de la profession agricole pourrait se trouver menacée par de telles distorsions. On peut imaginer que les coopératives vendeuses fassent des remises aux agriculteurs adhérents qui prendraient leur conseil dans la coopérative filiale créée par les 10 associés minimum et qui livreraient l’intégralité de leur récolte à la coopérative mère. De tels systèmes seraient de nature à éliminer la concurrence des négoces privés.
Un dispositif des CEPP vidé de sa substance
Personne ne le regrettera mais les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) n’ont plus aucun caractère contraignant. L’amende de 5 euros frappant les distributeurs pour chaque CEPP manquant disparaît.
Les obligés distributeurs n’ont plus qu’une obligation de moyen : ils devront prouver, dans le cadre de leur certification (audit par un organisme certificateur et délivrance par la DRAAF), qu’ils ont mis les moyens en œuvre pour prescrire les fiches actions CEPP aux agriculteurs.
Alors que le précédent projet d’ordonnance offrait aux conseillers indépendants un business de revente de CEPP, la notion d’éligible disparaît complètement du code rural. Les sociétés de conseil (ex éligibles) ne pourront donc pas revendre aux distributeurs les CEPP qu’elles auraient collectés avec leur activité de conseil.