Farine de blé : le nouvel or blanc ?

En cette période de confinement, le rayon « farine » est presque vide dans les supermarchés de nombreuses régions, ce qui pousse certains consommateurs vers des agriculteurs ayant opté pour une diversification meunière.

Vraie-fausse pénurie : de la farine « marque distributeur » essentiellement importée d’Allemagne !

Pour autant, la meunerie industrielle se veut rassurante. La ruée sur les sachets de farine a pu laisser craindre une pénurie mais les minotiers sont formels : il n’existe aucun risque de rupture. Ce débouché de la farine au détail ne représente d’ailleurs que 5% de l’ensemble des farines produites. Les volumes travaillés en meunerie vont baisser de 200 000 tonnes durant cette campagne et la panification est en chute de 17 % depuis la crise du covid19. Ce n’est donc pas la farine qui manque !

Mais une autre explication est avancée par le président de la meunerie française, du groupe Axéréal et d’Intercéréales, Jean-François Loiseau, relayée par le journal Valeurs Actuelles[1]. La France, malgré ses excédents, importe chaque année plus de 250 000 tonnes de farine d’Allemagne (où les coûts de production sont inférieurs), et secondairement d’Italie, soit plus d’un paquet de farine sur deux vendu en grande distribution.

Or, depuis la mi-mars, les fournisseurs allemands ont annulé leurs contrats, préférant livrer en priorité le marché d’outre-Rhin, provoquant de fait une rupture dans la chaine d’approvisionnement des hypers et supermarchés français. En grande surface, les marques distributeurs représentent 45% du marché. Le plus souvent, c’est de la farine importée à bas prix.

Axiane Meunerie, la branche meunerie du groupe Axéréal, aborde quant à elle une pénurie de sachets en papier, provenant pour grande partie d’Italie. C’est pour cette raison que l’on voit apparaître des sachets en plastique dans les linéaires, vendus 1 €/kg, soit davantage que le prix standard d’avant le confinement. S’agit-il d’un surcoût lié à l’emballage où y-a-t-il un effet d’aubaine pour augmenter les prix, bien que tous s’en défendent ?

Il faut libéraliser la production de farine à la ferme !

Même si certains consommateurs reviendront à leurs habitudes après le confinement (restauration hors domicile, plats préparés…), d’autres conserveront sans doute un lien étroit avec leurs producteurs locaux. Les agriculteurs meuniers sont alors en mesure de fixer un prix rémunérateur à leur kilo de farine.

Hélas, la réglementation interdit aux agriculteurs d’écraser plus de 35 tonnes de blé pour la production de farine (art. D 666-25 du Code rural). Pour dépasser cette quantité, il leur faudrait détenir un contingent de meunerie. Dans tous les cas et quelle que soit la quantité de farine produite, ces moulins à la ferme doivent être enregistrés auprès de FranceAgriMer à qui des états statistiques sont à transmettre.

Après l’interdiction de libre commercialisation des céréales en France, voici une nouvelle entrave à la liberté d’entreprise des paysans imposée par la meunerie française dont plus de la moitié appartient à la coopération…

A quand une farine et donc un blé à un prix « équitables » ?

Il faut aussi envisager un prix équitable sur la filière longue. Il suffirait seulement de quelques centimes d’euro en plus sur un paquet de farine de 1 kg pour que l’agriculteur perçoive un prix équitable sur une tonne de blé. Cela doit passer par des démarches de filière concertées entre céréaliers, meuniers et distributeurs.

Dores et déjà, FGC a soutenu au sein de l’interprofession Intercéréales qu’il est inenvisageable de parler de RSE (responsabilité sociale et environnementale) sans poser les bases de nouvelles filières « équitables » pour l’agriculteur.

La remise en question de nos choix économiques et politiques par la pandémie de covid-19 pourrait être une opportunité à saisir pour avancer dans ce sens.

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[1] https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/societe/penurie-de-farine-linquietude-grandit-dans-les-supermarches-118633